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Cortèges translucides

de Bertrand Burgalat

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Ce qui caractérise Jean Pierre Muller, qui pourtant s’écrit sans tiret, c’est le trait d’union. Dans son rapport unique entre la musique et les arts plastiques*, avec Aimé Mpane, à l'AfricaMuseum de Tervuren**, ou lors de son travail pédagogique à La Cambre, il y a dans toute son oeuvre une volonté de rapprocher littéralement les formes et les êtres. Ses collaborations avec Sean O’Hagan, Nile Rodgers, Archie Shepp, et les peintures sonores de la série 7x7, dont la présente exposition reprend la grammaire, en témoignent.


          Aux positions moralisatrices de confort, qui procèdent le plus souvent des mêmes mécanismes que ce qu’elles dénoncent, Jean Pierre Muller oppose la superposition, celle des trajectoires et des récits. Slalomant entre les figures imposées sociétales, il oppose les voiles au voile, le travail à la main et la mécanique au verbiage, les questions aux anathèmes.


          À rebours de l’art défiscalisé (laideur, absence de technique, discours pseudo-transgressif) dont il ne coche aucune case, il s’inscrit dans une continuité historique tout en s’affranchissant des équations datées. Sa longue marche c’est celle de l’espèce humaine, ses processions, ses retraites, ses conquêtes, ses transhumances et deux enfants qui regardent passer le cortège. Celle de Mao était d’abord une défaite, transformée par la suite en victoire, souhaitons qu’il s’agisse là d’une prémonition. « La tradition est une statue qui marche » (Jean Cocteau). La longue marche de Jean Pierre Muller est une statue qui danse.

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   (*) : alors que les échanges entre ces disciplines se limitent le plus souvent à l’animation de vernissages.
   (**) : le sculpteur congolais avec lequel il a conçu le projet RE/STORE, offrant une lecture nouvelle du patrimoine colonial, au moyen de voiles semi-tranparents.

 

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