Effervescences
de Chantal Bauwens
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D’emblée, les points d’accroche dans le travail de Jean Pierre Muller sont les couleurs et les images qui donnent le rythme. L’artiste a développé une démarche qui tend à brouiller les pistes visuelles, culturelles et conceptuelles. De ses préoccupations naît tout un répertoire d’images emblématiques, sérigraphiées : photos, dessins, peintures, … qui donne ses lettres de noblesse à cette technique et permet de rendre plus d’opacité, de varier les matières et les outils. Interventions gestuelles et mécaniques se confondent pour offrir une vision du monde à plusieurs lectures. Les images se superposent, se télescopent sur un fond peint qui permet le relief.
Lente remontée des tréfonds de la mémoire et de l’imaginaire collectif que ce soient les grands maîtres de la peinture et l’histoire de l’art, le passé…, par une mise en contemporanéité avec l’actualité, avec la médiatisation universelle de la culture contemporaine ou de la sous-culture de consommation, du monde urbain grouillant, bruyant … Les différentes époques du passé et le présent, la chose vulgaire et celle plus noble cohabitent étroitement, côte à côte, sans esprit de hiérarchie. Chaque image ajoute, comme le ferait le trait du pinceau, une couche de sens au rythme narratif. On comprend, dès lors, l’intérêt de l’artiste pour Rauschenberg mais aussi pour la peinture de la Renaissance (Le Tintoret,…) avec ses mises en scène, ses distributions sur la toile et ses mises en perspective. Cette curiosité pour tous les champs de l’art et de la culture ne peut donner lieu qu’à une ébullition proche du collage, un (quelque fois) « joyeux chahut pyrotechnique » où la profondeur vient du sujet et de la couleur. Jean Pierre Muller questionne la fonction de l’art. Il voue à la peinture un travail de ré enchantement où le rêve et la poésie réintroduits peuvent transcender le négatif de notre monde. « Beauty is our duty » nous dit-il lui-même.


Le travail est rarement autobiographique mais se veut un regard où se confondent les strates des époques, préoccupations, activités de l’homme,… Résurgences qui baignent le monde présent et inspirent l’artiste. Les collaborations et échanges avec d’autres créateurs (plasticiens, musiciens,...) jouent également un rôle particulier dans l’évolution de son travail.


Mullairplane V over New York, nom donné, avec un certain humour, à l’oeuvre de l’invitation de cette présente exposition. Pourquoi prendre le risque de survoler Manhattan? Jean Pierre Muller, comme l’enfant insouciant, s’est fabriqué une maquette d’avion, il l’a peinte éclaboussante de couleurs et de symboles. Il y a placé des références à un de ses maîtres de l’avant-garde russe: Malevitch. Toute la fascination et la continuité… Il veut y croire, encore … « On peut encore voler au-dessus de NY… ! ». Il s’agit presque d’un travail politique où l’artiste nous interpelle sur le quotidien dont il se fait le témoin non sans nous rappeler l’urgente nécessité de la poésie
plastique. (…)