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Le complexe du complexe

de Jean Pierre Müller

          J’assume de mieux en mieux la relative complexité de mon travail, au sens où les couches s’y superposent pour y livrer une série d’informations parfois contradictoires. Autant je peux vénérer la simplicité comme une qualité dans la vie et en art, autant je pense que la simplicité repose sur des bases solides. Le carré blanc de Malevitch, un geste Tai-Chi, sont le résultat d’un processus complexe. Il y a comme un sentiment de joie hébétée à la pensée des milliards de galaxies qui forment l’univers, et aux milliards de cellules dans notre corps. Chaque simple action (ma main bouge, la feuille tombe) est le résultat d’un miracle complexe. Ainsi, si je dois peindre un bateau, je ne puis être satisfait avec le simple rendu de ses lignes visuelles, ou par le gimmick conceptuel qui ferait surgir le mot « bateau ». Il me faut y intégrer en transparence la salle des machines ainsi que l’enfance perdue du capitaine. De nombreux sceptiques pourront rejeter le travail comme confus ou baroque. Quant à moi, il me semble qu’il offre au spectateur un voyage intéressant, de l’attirance première vers la surface (la mélodie) à l’autre vérité tapie derrière (l’arrangement). Cette complexité peut créer de la résonance, de l’harmonie. Les références nobles et vulgaires s’entremêlent joyeusement, les formes devenant des contenus. Les dissonances se glissent dans les harmonies, les contradictions s’unissent pour créer un tableau original. La différence entre l’art et la pub se situe là. Une pub, il faut en capter l’idée instantanément. Ce n’est pas ainsi que cela se passe avec Velasquez ou Beethoven. On honore le spectateur en tenant compte de son intelligence et de sa curiosité….

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